Par Edouard Seghur

 

Quoi de plus agréable que de s’installer dans une pittoresque cantina et déguster la boisson nationale mexicaine ? Obtenue par fermentation de la sève de l’agave, la tequila est un peu au Mexique ce que le whisky est à l’Ecosse ou le pastis à Marseille. Utilisée également dans de nombreux cocktails (dont la fameuse Margarita), cette eau de vie est principalement produite dans l’Etat de Jalisco. Retour sur huit choses à savoir sur ce breuvage de plus de 500 ans d’âge… à savourer bien sûr avec modération !

 

1. L’Agave Tequilana, l’or bleu du Mexique

La plante qui permet d’élaborer la tequila est l’Agave Tequilana, appelée aussi l’agave bleue (une des nombreuses plantes de la famille des Asparagacées), en raison de sa couleur. Son cœur –qu’on appelle la « piña « – riche en sève sucrée, est récolté juste avant la floraison, une fois que la plante est mûre, c’est-à-dire environ dix ans après sa plantation. Les piñas, coupées en deux, sont ensuite transportées à la distillerie pour être cuites.

Les distilleries actuelles utilisent de grands fours à vapeur, où les cœurs d’agave sont cuits de 24 à 48 heures à une température de 55°C environ, avant une période de refroidissement de huit heures en moyenne. Sept kilos de cœurs d’agaves sont nécessaires pour produire un litre de tequila. Les piñas cuites sont ensuite broyées dans de vastes cuves de fermentation. Certaines distilleries utilisent encore la méthode artisanale : les cœurs de l’agave sont écrasés sur un disque de pierre sur lequel tourne une roue tandis que les fibres sont séparées dans la cuve en bois pour augmenter la fermentation et apporter un goût supplémentaire. Une fois que les jus sont dans les cuves, une levure est ajoutée. Pendant la fermentation, la levure agit sur les sucres de l’agave transformés en alcool.

 

2. Les conquistadors ont participé à son essor

La tequila a vu le jour au XVIe siècle grâce aux conquistadors qui, à la recherche d’une eau fermentée plus forte encore que celle qui existait jusqu’alors au Nouveau-Mexique (le pulque, sève d’agave fermentée), introduisirent la technique de la distillation sur place (elle était inconnue des indigènes). Ils nommeront ce nouvel alcool tequila, dérivé du mot tetilla (soit  » mamelle « ), car ils s’aperçurent que les meilleurs agaves poussaient sur les flancs d’une petite montagne dont les formes ressemblaient… à celles d’une poitrine féminine !

3. La Tequila connaît un succès mondial

Cette eau de vie, devenue populaire localement après la révolution mexicaine, connaîtra un succès phénoménal à partir du XIXe siècle. L’arrivée du train au Mexique a en effet permis à l’industrie de la tequila de s’étendre au-delà de son aire de production. Peu à peu, la tequila passe du statut de produit régional à celui de produit national, puis international dans la seconde moitié du XIXe siècle. Avec la modernisation du port de Veracruz elle s’exporte encore plus facilement, notamment aux Etats-Unis.

Après la Seconde Guerre mondiale, la demande de tequila s’est accrue si fortement que le nombre de champs d’agaves a augmenté de 110 % par rapport à 1940. Depuis qu’elle s’exporte en quantité, la tequila est devenue un produit relativement cher, si bien que les Mexicains préfèrent quelquefois le whisky ou le cognac ! Plus de 100 millions de litres sont aujourd’hui consommés aux Etats-Unis chaque année, plus de 15 millions dans l’Union européenne.

4. Les légendes de la Tequila

Au Mexique, le mythe raconte que la tequila est née lorsqu’un éclair foudroya un champ d’agaves. La sève de l’une des plantes se mit subitement à cuire, avant de fermenter pour devenir peu à peu un savoureux élixir que les Aztèques prirent pour… un cadeau du ciel ! Les films mexicains en noir et blanc des années 1940 ont véhiculé un autre cliché concernant la dégustation de la tequila : saupoudrer le dessus de la main gauche de sel et de placer le citron vert entre le pouce et l’index. On lèche le sel, on boit le verre de tequila d’un seul trait : cette pratique ancienne est en fait localement oubliée depuis bien longtemps et n’est plus qu’une attraction touristique !

 

5. Il n’y a pas une, mais de nombreuses tequilas !

Celle que l’on consomme dans les cantinas est de type mixto, une variété qui peut contenir jusqu’à 49 % de sucres autres que celui de l’agave. Mais la meilleure tequila est estampillée 100% agave, sans additif. Entre ces deux catégories, on trouve la tequila blanca ou plata, un alcool blanc qui n’a presque pas vieilli et qu’on utilise surtout pour les cocktails (margarita, tequila sunrise, acapulco…), la tequila oro (avec colorants artificiels, qui n’a pas vieilli), la reposado (qui a vieilli jusqu’à 9 mois en fûts de chêne), au goût poivré, la tequila anejo (au moins 12 moins en fût de chêne) qui, douce et sucrée, est surtout servie en digestif, ou encore la tequila haut de gamme extra anejo, vieillie au moins trois ans.

6. Son berceau est le Jalisco

C’est dans la région de Valles, dans l’Etat du Jalisco, que se trouve le berceau de la tequila. Toute la tequila du monde (environ 200 millions de litres par an) est produite dans cette région, ainsi que dans certaines zones des États de Guanajuato, Nayarit, Michoacán et Tamaulipas. En 1978, a été créée par décret une « Appellation d’Origine Contrôlée Tequila », établissant que toute boisson d’agave produite hors de ce territoire ne peut pas être vendue sous l’appellation  » tequila « .

 

7. Un alcool au… patrimoine mondial de l’humanité !

La région où est élaborée la tequila – 35 000 hectares s’étendant du pied du volcan Tequila jusqu’au canyon du Rio Grande – est inscrite depuis 2008 à l’Unesco. « La culture de l’agave et sa distillation ont créé un paysage caractéristique, où de belles haciendas et des distilleries illustrent la fusion des traditions préhispaniques de fermentation du jus de mescal avec les processus européens de distillation et les technologies locales et importées de l’Europe ou de l’Amérique « , assure l’organisation internationale.

Selon l’Unesco, la zone de plantation des agaves constitue l’un des plus importants paysages culturels du Mexique,  » non seulement en raison de l’importance de son paysage naturel, mais pour la tradition culturelle maintenue depuis des siècles et qui a donné naissance à l’un des principaux symboles qui identifient ce pays » (la tequila). L’ensemble des haciendas et des distilleries reflète l’essor de la distillation de la tequila ces deux cent cinquante dernières années ; elles constituent  » un exemple exceptionnel d’ensembles architecturaux caractéristiques, illustrant la fusion de technologies et de cultures « .

 

8. Tequila est aussi le nom d’une ville !

Tequila, c’est aussi une petite ville de 18.000 habitants, située à une cinquantaine de kilomètres à l’ouest de Guadalajara, dans l’État de Jalisco, au beau milieu de la vallée d’Amatitán hérissée de plantations d’agaves bleu. C’est dans cette ville, écrasée de soleil, que se sont implantées de nombreuses distilleries dès la fin du XVIIIe siècle, au moment où a été accordée par le roi d’Espagne la première licence officielle de production.

Aujourd’hui, Tequila, première ville productrice de tequila du pays, concentre la moitié des distilleries autorisées par le gouvernement mexicain. C’est dans cette ville que l’on peut visiter le musée national de la Tequila, qui explique tout de l’histoire et élaboration du précieux breuvage. Et pour prolonger la visite, vous pourrez emprunter la route de la Tequila, un circuit thématique lancé par les organisations touristiques, qui permet, au fil de ses routes se faufilant à travers les champs d’agaves, de découvrir quelques-unes des plus belles distilleries du Mexique ((les deux plus anciennes méritent le détour : La Rojeña et Souza). Dégustations au programme bien sûr !

Pour aller plus loin

www.rutadeltequila.org.mx